"Vos enfants ne sont pas vos enfants…
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la vie à la vie, ils viennent à travers vous, mais de non de vous…"
Khalil Gibran
J’ai reçu de ma mère ce livre il y a fort longtemps. Depuis tout ce temps, il est resté à portée de main. Je l’ai souvent lu. Cette phrase est gravée. Elle est venue se lover en moi un 26 décembre 1991, jour où je mettais au monde mon premier enfant. Il y a 18 ans.
Cette fille si menue aux traits si fins, allait devenir une fille de la vie. Pas la mienne. Je la remettais à la vie.
C’est peut-être de cette pensée qu’est née la fissure entre nous. Peut-être est-ce notre force de caractère similaire qui nous brisa. Je n’en sais rien. Un mouchoir pudiquement posé sur le passé pour faire place à une grande tablée, samedi nous fêtions ses 18 ans. Comme deux filles de la vie. Comme deux femmes distinctes avec tant de choses en commun. Comme deux femmes oubliant les blessures de la vie et celles que nous nous sommes faites. Ce jour là nous nous donnions à la vie.
Et durant ces années difficiles, si j’ai souvent douté, je ne crois pas m’être trompée. Je crois avoir fait ce qui était à ma portée pour mieux vivre toutes les deux. Même si le prix à payer fut cher. Même si je souffre de mes choix. Même si pour ne plus se blesser il a fallu désagréger une famille. Même si parfois j’avoue pudiquement avoir quitté ma fille et non pas son père. Je sais que nous vivons tous mieux ainsi.
Comme un signe d’indépendance, elle a reçu un billet d’avion pour New York. Et c’est par une phrase qu’elle me remettait à la vie. « C’est avec toi que je veux partir, parce que c’est avec toi que je me sens le plus en sécurité pour aller dans l’inconnu »…
18 ans, ça assoit un peu. ça coupe les jambes.