Semaine d’ébauche.
J’ai récupéré les enfants, ils sont vivants, j’avais oublié. J’oublie à chaque fois. Ils ont mille choses à raconter inutiles et rien de fondamental à me dire. Leur affection se mesure en euros, en autorisations et en litres d’essence. C’est ingrat le rôle de mère dans ces conditions. Ils ne partagent que très peu de leurs univers… inversement cela dit, ils ont hérité de ma pudeur. Nous cohabitons, entre des «descendez moi le linge sale», «tu peux me signer mon contrôle» «je peux aller dormir chez machin» «qu’est-ce que vous voulez manger» «qui met la table ?»
Et quand je m’aventure sur un «tu as un amoureux ?» la réponse est «tu pète un câble ou quoi ?» ou bien si je dis «ça vous dit d’aller au cinoche» la réponse est «ben non j’ai prévu autre chose, d’ailleurs tu as mon argent de poche ? Et si tu veux bien m’amener chez truc bidule, ça me rendrait service…» «Au fait ta nouvelle phrase sur le frigo c’est naze ça veut rien dire» « on mange quoi,» «t’as lavé mon petit haut bleu ?» «Où je peux trouver une clé de douze ?» Des ados. Des ados, des vrais. Ils sont vivants et rose-bronzés d’une semaine à l’océan où il a fait beau. Ils sont heureux, comme des ados. Heureux et malheureux. Finalement un peu comme moi. Je les reconnais d’un œil attendri et insatisfaite.
Quand vont-il me regarder autrement qu’en taxi, portefeuille, blanchisseuse, cuisinière, balayette ?... quand auront-il besoin de moi autrement qu’en agence de service ?